Les couleurs dans l’art gothique

Les couleurs dans l’art gothique

août 7, 2022 0 Par Batisseur

 

Les écoles théologiques et l’utilisation des couleurs

Au Moyen Âge, l’art des grandes œuvres, celles qui nécessitaient d’énormes investissements, était avant tout un instrument de communication, et tous les messages qu’il était important de communiquer étaient liés à la religion chrétienne. Du choix des personnages à représenter, à leur position dans la scène, aux couleurs, tout était codifié pour transmettre correctement le dogme. Mais les dogmes, comme on le sait, ne sont pas immuables, et ils ne sont pas nés comme tels : certains, au départ, étaient même des hérésies.

Les écoles théologiques s’affrontaient sur pratiquement tous les sujets et nous trouvons des preuves documentaires de ces diatribes dans l’art. Le débat, bien sûr, n’a pas négligé les couleurs. L’explosion chromatique qu’avait été le paganisme, et qui est en partie conservée dans les mosaïques byzantines, a été presque complètement répudiée pendant une certaine période, celle de l’expansion du monachisme. Il ne s’agit pas seulement d’une tendance paupériste à la sobriété, mais d’une question théologique délicate : la couleur doit-elle être considérée comme la lumière, donc l’émanation divine, ou comme la matière, donc quelque chose dont il faut se libérer pour s’approcher de Dieu ?

Clunisiens et cisterciens se sont affrontés sur ce point pendant des années, les premiers étant plus enclins à considérer la couleur comme une « visibilité de l’ineffable » (ce qui est la définition de la lumière par saint Augustin), les seconds comme le domaine du diable.

L’art roman avait déjà introduit l’utilisation de vitraux dans les rosaces pour orner l’intérieur des églises de couleurs et de lumière. Pourtant, lorsqu’à la fin du XIIe siècle, les travaux de reconstruction des cathédrales de Chartres et de Saint-Denis sont en cours, le débat est toujours d’actualité. Ainsi, lorsque l’abbé Suger, clunisien de Saint-Denis, veut financer le développement d’ateliers de verriers pour décorer les nouvelles cathédrales gothiques, il se trouve confronté à la fervente opposition des factions chromophobes, menées par nul autre que saint Bernard de Clairvaux, abbé de l’ordre cistercien. Heureusement pour nous, Sugerio a gagné.